Une belle basse-cour

Voyons tout d’abord ce qu’il faut entendre par ces mots : une belle basse-cour. La question luxe ou fantaisie coûteuse est tout de suite mise de côté ; il ne s’agit pas de cela, bien loin de là. Une belle basse-cour sera celle dont l’installation simple et surtout pratique offrira toute garantie au point de vue hygiène et confort, dans laquelle un troupeau de pondeuses pourra donner son maximum de rendement. A noter - c’est précisément le point sur lequel nous désirons insister - que telle installation peut être conçue sans grande dépense, ce qu’il convient sans doute d’éviter, par le temps qui court.

Sans vouloir nier du tout les nombreux et réels progrès qui se réalisent un peu partout en ce qui concerne le logement des volailles, c’est un fait certain qu’il y a encore beaucoup à faire pour que l’installation d’une basse-cour soit comprise en vue d’une exploitation rationnelle telle qu’on l’envisage aujourd’hui. Et combien n’y a-t-il pas encore de ces vieilles habitudes, de ces croyances mystérieuses dont beaucoup ne peuvent se défaire quand il s’agit de choisir les oeufs à couver, de procéder aux incubations naturelles ou artificielles, d’élever les poussins, de choisir les reproducteurs et non pas tout laisser aller au hasard !

Il est très peu coûteux de transformer une basse-cour médiocre en un superbe élevage d’amateur, de même qu’en consentant une dépense insignifiante, on peut améliorer considérablement une basse-cour peuplée de sujets de races pures, mais de qualité moyenne ou inférieure.

Les expositions se succèdent et les amateurs ont un grand choix. Voici comment ils doivent procéder.

S’il s’agit de transformer une basse-cour quelconque en un bel élevage tout en augmentant la production, c’est à une race de rapport, que l’on doit s’arrêter et alors l’aviculteur a le choix entre l’achat d’un coq et de deux poules, l’achat d’oeufs à couver, l’achat de jeunes sujets avant l’automne. Si l’éleveur peut se rendre à une exposition et y choisir 1 coq et 2 poules, il peut produire ensuite, au cours de la saison, quelques dizaines de très beaux sujets , s’il met à couver la majeure partie des oeufs pendant la période des incubations et la dépense n’est pas grande.

En effet, si le prix du coq et des deux poules n’est pas très élevé, l’éleveur n’engage qu’un très petit capital car il peut se défaire d’un nombre égal de sujets de sa basse-cour.

Avec deux poules, on obtient assez d’oeufs pour monter son premier joli lot de race pure, mais beaucoup de petits éleveurs ne peuvent, pour des raisons diverses, se rendre aux expositions qui se tiennent dans leur région,et c’est l’achat d’oeufs qui s’impose.

Dans ce cas, mieux vaut toujours s’adresser à des élevages avantageusement connus, qu’à des adresses quelconques fournies par des voisins ou amis ignorants de la qualité à rechercher, pour ne pas avoir, en fin de compte, consenti une dépense inutile. Puisqu’il y a des races en nombre suffisant pour satisfaire tous les goûts : races de grand rapport dont on peut sélectionner également les sujets vers leur idéal de beauté, races de rendement moyen mais qui peuvent plaire parfois davantage, enfin races de fantaisie, amusantes à contempler mais d’un élevage souvent difficile, les amateurs n’ont vraiment que l’embarras du choix.

Quel que soit le procédé employé, achat de reproducteurs ou achat d’oeufs à couver, bien des désillusions attendent l’amateur s’il n’applique pas les normes indispensables pour éviter les pertes.

Tant qu’il s’agit de poules communes ou de sujets médiocres, dans une race pure, les petits éleveurs acceptent avec philosophie la perte d’une ou de plusieurs couvées, la mortalité de bon nombre de poussins, etc... mais dès que l’éleveur a fait quelques sacrifices pour cela, il faudrait qu’immédiatement tous les déboires cessent. Tout le monde comprend ce sentiment, mais il faut cependant admettre que le fait de prendre la décision sur la réussite, celle-ci dépendant uniquement des méthodes employées pour les incubations et l’élevage.

Nous allons donc examiner attentivement ces deux points particuliers.

LES INCUBATIONS

S’il s’agit de couvée artificielle, nul doute que les résultats, avec une bonne machine, ne dépendent uniquement de l’éleveur qui peut faire son apprentissage une ou deux fois avec des oeufs ordinaires, avant l’époque des couvées régulières qui doivent assurer le cheptel de race pure. Pour tous ces éleveurs, les conseils donnés pour l’incubation artificielle, sont donc le meilleur guide.

Pour ceux qui font couver par poules couveuses (ils sont nombreux encore parmi les amateurs), on ne saurait trop insister pour que les théories suivantes soient appliquées à la lettre.

1. Nombre d’oeufs - Peu d’amateurs connaissent l’art de faire couver les poules, la grosse majorité d’entre eux perpétuant une erreur grossière, dont l’origine est tellement éloignée que nul ne peut remonter à sa source, mettent régulièrement 13 oeufs sous chaque poule.

Pourquoi treize ?

Vieille superstition qui résiste à la logique et qui, 99 fois sur 100, sauf en été, conduit les couvées à des échecs partiels ou complets, sans jamais perdre ses privilèges, tant il est vrai que l’absurdité, en toutes choses, prime la raison.

Or les poules, ne peuvent normalement couvrir que 8, 9 ou 10 oeufs suivant leur taille et le volume des oeufs. En ne mettant que 8 ou 9 oeufs, selon le cas, on obtient généralement autant de poussins vigoureux que d’oeufs fécondés et les jeunes sujets, d’une vigueur exceptionnelle se développent alors avec rapidité donnant à un mois l’aspect de poulets de 6 semaines.

Une poule couve avec sa chair, non avec les plumes de ses ailes ; en outre, lorsqu’elle cherche à couvrir trop d’oeufs, elle en casse, et toute omelette dans le nid d’une couveuse amène des mortalités en coquille, dans les oeufs refroidis et souillés.

Quelques grosses Orpington, etc., peuvent couver 11 et parfois 12 oeufs, mais à condition que les oeufs ne dépassent pas 58 grammes ; au-dessus de ce poids, 10 oeufs sont un maximum, pour les plus grosses poules couveuses.

Lecteurs, retenez ceci ; si vous achetez les oeufs par 12 ou par 15, n’en mettez jamais plus de 9 ou 10 sous une poule ; confiez le reste à une autre couveuse. N’hésitez pas, si vous n’avez qu’une poule couveuse, à éliminer les oeufs en trop, en commençant par ceux qui n’auraient pas une forme tout à fait régulière, présenteraient une coquille trop mince (ce sont ceux-là qui sont cassés quand il y a trop d’oeufs) également les trop petits.

De plus, ne laissez pas les poules couveuse se lever à volonté ; placez-la dans une grande caisse, s’ouvrant sur un côté, cette porte étant à claire-voie, ou si votre poule couve dans un pondoir, fermez celui-ci au moyen d’un panneau grillagé ou d’un portillon à claire-voie. Matin et soir (pas trop tôt le matin, pas trop tard le soir), levez la couveuse et couvrez les oeufs au moyen d’un chiffon de laine très propre et sec. Essayez cette méthode, vous verrez quels beaux poussins vous obtiendrez : aucune mortalité en coquille. Le cinquième jour, au soir, retrait, après mirage, des oeufs clairs ou faux-germes ; voilà l’art de faire couver les poules.

Certes, l’industrie a fait de tels progrès, que la couveuse artificielle arrive à remplacer les couveuses naturelles, même dans les plus petits élevages. Permettant de faire éclore les poussins à date fixe, les incubateurs de 40 et 60 oeufs donnent les mêmes bons résultats que les machines plus importantes.

2. L’oeuf à couver - Pour avoir des éclosions nombreuses en poussins vigoureux, ne mettez en incubation que des oeufs très frais. Si vous voulez conserver des oeufs plus de 3 jours, tournez-les deux fois par jour pour que le jaune ne se colle pas à la membrane qui tapisse intérieurement la coquille. Les oeufs de plus de 7 jours incubent mal et les poussins éclosent avec un retard d’autant plus accentué que les oeufs sont plus âgés.

3. Reproducteurs - Les reproducteurs ne doivent pas être consanguins ; on doit éviter non seulement le degré frère-soeur et vice-versa. Aussi, pour éviter des déboires, l’amateur doit toujours acheter ses reproducteurs : le mâle chez un éleveur,les femelles chez un autre.

L’année suivante, l’apport de sang nouveau se fait par l’achat d’un bon coq ou d’un coquelet de bonne ascendance.

Certains éleveurs prétendent que l’introduction de sang nouveau entraîne souvent l’apparition de défauts dans l’esthétique des descendants ; ceci est moins fréquent que l’on peut le penser et il est possible de réduire les risques au minimum en n’introduisant comme sang nouveau que des sujets de choix provenant d’élevages réputés pour leurs succès dans les grandes expositions.

Si elle n’est pas pratiquée par des experts, l’intraculture rend rapidement l’élevage impossible, les déchets étant considérables et les épidémies ravagent les troupeaux lymphatiques, déminéralisés, déglobulisés par la consanguinité. Quels que soient les soins et l’alimentation assurée, l’insuccès est certain. Par contre, le renouvellement du sang avec les reproducteurs de bonnes souches ne peut compromettre la beauté d’un troupeau et l’on est payé au centuple de la petite dépense qui en résulte par le succès des couvées, la vigueur des poussins, la rapidité de développement des jeunes, leur résistance aux maladies, l’augmentation de leur rendement en ponte et en chair ; bref, beaucoup d’avantages.

Cette formule est aussi bonne pour les lapins, les canards, les pigeons et les autres animaux de basse-cour.

Dans les apports de sang nouveau, il faut cependant "aérer" judicieusement, c’est-à-dire en recherchant toujours une ou deux qualités qui semblent faibles dans sa propre souche plutôt qu’un ensemble. Il va sans dire que parmi les jeunes, il y en a plusieurs qui possèdent alors les défauts des deux lignées ; d’autres, les mêmes défauts que chaque souche possédait. Mais il y a aussi des sujets qui héritent des qualités des deux. Ils ne sont pas nombreux ; qu’importe, ils permettent un progrès et tous les amateurs éclairés savent que les très beaux et très bons sujets ne sont qu’une partie de la production, même avec des reproducteurs hautement primés. S’il n’en était pas ainsi, il y aurait des milliers d’animaux de toute beauté et les sportifs, grands lauréats de nos expositions, ne présenteraient pas, un peu partout, les mêmes sujets, primés souvent plusieurs fois déjà.

Amateurs, étudiez bien le type de vos animaux de races pures par rapport à leur standard ; suivez les souches de vos collègues connus pour leur succès. Critiquez, comparez et, par vos achats et votre propre production, recherchez toujours à augmenter les qualités des sujets qui peuplent votre belle basse-cour.