La
formation du lait de jabot
Les pigeonneaux
naissent les paupières closes, et simplement couverts
d'un léger duvet. Ils n'ouvrent les yeux que quatre
ou cinq jours après leur naissance. Les plumes,
devant leur servir de couverture, n'arrivent à une
croissance suffisante et capable de les protéger
contre l'action du froid que dix à douze jours
après l'éclosion. Durant tout ce temps, les
parents couvrent soigneusement de leur corps ces jeunes
créatures pour les réchauffer.
Les trois ou quatre premiers jours après leur sortie
des oeufs, les petits êtres, trop faibles et trop
délicats pour digérer les grains, sont nourris
exclusivement au moyen d'un liquide jaune pâle, qui se
condense et devient pâteux, c'est ce qu'on appelle la
bouillie alimentaire ou lait de jabot, que les parents
dégorgent dans le bec des petits : puis, vers le
quatrième jour, cette sécrétioon
alimentaire se mélange avec les aliments des
nourriciers, et disparaît complètement vers le
huitième.
Nos diverses expériences nous ont prouvé
qu'aux derniers jours de l'incubation, les glandes des
muqueuses du jabot sécrètent la bouillie, tant
chez le mâle que chez la femelle ; que cette
sécrétion se produit toujours, lors même
que les oeufs ne renferment pas d'êtres vivants.
La bouillie existe chez les couveurs avant
l'éclosion. Il résulte même de nos
expériences, obtenues par des autopsies, qu'à
partir du douzième jour les muqueuses du jabot sont
engorgées, se rident légèrement et
deviennent de jour en jour plus angulaires avec
développement des follicules muqueux. La
sécrétion d'après nos observations
commence vers le quatorzième ou le quinzième
jour et augmente graduellement jusqu'au jour de
l'éclosion (1).
Si donc, on confie aux couveurs un pigeonneau à peine
nés dès le quinzième jour de couvaison,
le jeune être (à l'aide de cette
sécrétion alimentaire) peut certes
déjà être nourri et
élevé.
Nos contradicteurs qui disent qu'il n'y a pas de
sécrétion avant l'éclosion,
reconnaissent cependant qu'un pigeonneau qui vient de
naître, confié à des couveurs, à
partir du 14ème jour d'incubation, sera nourri et
élevé à la suite de la
sécrétion obtenue par la contraction du
jabot.
La sécrétion se produit donc, d'après
eux, sur le coup, sans existence préalable de la
bouillie alimentaire qui n'apparaîtrait soudain que
sous une sorte de magique pression du jabot. C'est là
une pure hypothèse sans fondement dans les faits.
Elle démontre que leurs auteurs ne se sont pas
souciés de chercher la vérité en de
minutieuses observations physiologiques, comme les
vivisections et d'autres opérations, dont les
résultats incontestables les auraient nettement
convaincus d'erreur.
Nous répétons donc qu'un pigeonneau qui vient
de naître, confié à des couveurs de
quatorze ou quinze jours, sera nourri, comme nous l'avons
dit plus haut, parce qu'il y a déjà
sécrétion de la bouillie alimentaire.
Nous le prouverons :
En admettant l'hypothèse de nos contradicteurs, il en
résulterait qu'un pigeon qui couve depuis huit
à dix jours, devrait pouvoir aussi élever,
dans les mêmes conditions, un jeune à peine
né, puisque par la contraction du jabot, la
sécrétion devrait pouvoir se fait sur le coup,
aussi bien au bout des huit ou dix premiers jours qu'au
quatorzième. Rien n'est cependant plus faux.
Confiez à un pigeonneau, qui vient d'éclore,
à un pigeon qui ne couve que depuis une dizaine de
jours, il ne sera pas nourri, et cela faute de
sécrétion alimentaire ; il mourra de faim.
Maints amateurs inexpérimentés ont, par ce
procédé, été victimes de leur
ignorance.
Du reste, mille expériences peuvent démontrer
le bien fondé de notre assertion.
Il résulte donc préremptoirement de ce qui
précède, qu'à partir du douzième
jour de l'incubation, les muqueuses du jabot s'engorgent, se
rident et que vers le quatorzième ou le
quinzième jour commence la sécrétion
des follicules muqueux, donc bien longtemps avant
l'éclosion.
Finalement, il est démontré qu'il n'existe
chez les couveurs, pendant les dix à douze premiers
jours de la couvaison, ni sécrétion ni
bouillie alimentaire.
Par conséquent, la contraction du jabot ne joue aucun
rôle en ce qui concerne la sécrétion
alimentaire qui nous occupe.
(1)
Chez les pigeons jeunes et vigoureux, la
sécrétion se fait plus tôt et plus
abondamment que chez d'autres.
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