Quelques
considérations
Il est assez curieux
de constater que l'éleveur est enclin à croire
aux contes qui lui sont présentés, alors qu'il
est pour ainsi dire réfractaire à toute
méthode rationnelle susceptible cependant de
transformer son élevage improductif en un
élevage prospère et lucratif. Dès qu'il
s'agit du lapin, c'est pire que pour toute autre branche
avicole.
Après avoir logé et nourri pendant des
années quelques lapins communs, plus ou moins
chétifs, enregistré pas mal de
mortalité et mené tant bien que mal un certain
nombre de lapereaux jusqu'à un âge suffisant
pour qu'il soit possible de les sacrifier pour la marmite,
tout particulier à qui l'on parle de l'élevage
du lapin s'écrie : L'élevage du lapin, je
connais ça. Voilà dix, vingt ans que
j'élève des lapins et il y en a pas de plus
beaux. Mes femelles lapines, des as. Elles sont superbes
tout le monde les admire : on me dit que c'est des sujets de
race. Il y en a une qui a une grosse tache noire sur le
flanc et des pattes mouchetées noir et feu, elle
pèse au moins sept livres et demie ; vous ne voyez
pas de quelle race elle peut tenir ; une autre est un peu
fauve, comme un lièvre ; on me dit qu'il doit y avoir
du sang de lièvre, c'est une race superbe dont j'ai,
du reste, gardé un fils qui est également
fauve comme la mère, mais avec une grosse tache
blanche sur le dos et sur une patte de devant : il est
certainement de race comme sa mère, etc.
Voilà, hélas ! ce qu'il faut entendre
lorsqu'on cherche à éclairer les quelques
éleveurs que l'on rencontre au hasard.
Lecteurs et aimables lectrices, vous allez bien rire quand
vous lirez le petit questionnaire que nous déroulons
chaque fois que nous sommes en présence d'un de ces
éleveurs, si bien inexpérimentés et les
réponses qui y sont faites.
Mettez-vous une bonne couche de paille dans les cases ? Je
le faisais, mais j'y ai renoncé ; les lapins n'y
tiennent pas ; les herbages qu'ils gâchent font une
litière suffisante que j'enlève tous les
mois.
Votre clapier est-il exposé au soleil ?
Jamais, c'est contraire à la santé des
lapins.
A quel âge mettez-vous vos jeunes lapins au mâle
?
A cinq ou six mois, c'est mon mari qui le veut ainsi ; mais
je trouve que c'est trop tôt, on devrait attendre
quinze jours de plus.
Donnez-vous à boire à vos lapins ?
Quelque fois, l'été, quand il fait très
chaud, si je n'ai pas de salade ; ailleurs, la
réponse est accompagnée d'un sourire
sceptique. J'ai lu que vous préconisiez la mise
à la disposition des lapins d'un abreuvoir toujours
plein d'eau fraîche ; je l'ai essayé, les
lapins n'y touchaient pas et urinaient dans l'abreuvoir.
Il va sans dire que, pour qui connaît l'élevage
du lapin, les réponses mentionnées ci-dessus
reflètent bien les quatre-cinquièmes des
réponses qui sont faites aux questions posées,
sont indiscutablement décourageantes et l'on peut se
demander le temps qu'il faudra pour pénétrer
l'esprit de tous, ou de presque tous les éleveurs de
lapins, qu'il faut : une bonne litière aux lapins et
changer cette litière aussitôt qu'elle est
souillée. Exposer son clapier face au midi ; les
lapins élevés pour la fourrure seront
préservés des rayons solaires seulement
après l'âge de quatre à cinq mois
suivant les races. Bien alimenter les sujets afin qu'ils
aient bonne santé et beau poil. Pour ce qui est de
l'eau, elle est indispensable ; il suffit, du reste, de
visiter un clapier par la pluie, les lapins lèchent
le grillage de leur case à mesure que la pluie y
dépose des gouttelettes. Entreprendre
l'élevage du lapin à fourrure en faisant fi de
ces données, c'est perdre son temps et son argent.
Pour obtenir de belles fourrures, il est en effet
nécessaire de bien alimenter, car les sujets
affaiblis ont toujours un poil qui ne tient pas. En outre,
la litière doit être changée beaucoup
plus souvent afin que la fourrure ne s'altère pas au
contact du fumier en fermentation.
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